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Ehpad, hôpitaux: une loi veut garantir le droit de visite

Ehpad, hôpitaux: une loi veut garantir le droit de visite
Adieux interdits en fin de vie. Personnes malades privées de visites. Limitation des libertés en Ehpad. En dix_huit mois de pandémie, des drames personnels et de reculs éthiques dans les lieux de prise en charge des plus fragiles se sont multipliés. Une proposition de loi veut tirer les leçons de ces failles de l’accompagnement humain.
Mardi, le Sénat a examiné un texte de Bruno Retailleau (LR) qui vise à garantir un droit de visite pour les malades à l’hôpital et les résidents des Ehpad en le gravant dans le code de la santé publique et dans le code de l’action sociale et des familles. En fin de journée, il a été adopté à l’unanimité. «La crise sanitaire a mis en lumière un défaut d’humanité. Durant de longs mois, des personnes fragiles, malades, handicapées ont été laissées seules et privées de visites alors que ce lien avec leurs proches constitue pour certaines leur raison de vivre. Ce qu’ils ont vécu est inadmissible. C’est pourquoi il nous faut faire rentrer ce principe de civilisation dans la loi», plaide le chef de file des sénateurs LR. Afin de renforcer ce droit, le texte précise que les visites pourraient être refusées uniquement si le médecin estime qu’elles constituent une menace pour la santé du patient, celle des autres patients ou une «menace à l’ordre public». Tout refus devrait être motivé, notifié et l’inscription de ce droit dans la loi pourrait permettre des recours devant la justice.
Alors que de nombreuses personnes sont mortes seules durant la crise sanitaire, sans un dernier adieu de leurs proches, l’article 4 du texte pose le principe d’un droit de visite inconditionnel pour les personnes «en fin de vie» ou «dont l’état requiert des soins palliatifs». «Comment ne pas entendre la douleur de toutes les Antigone qui ont été privées d’un dernier adieu, amputées de leur deuil durant la crise sanitaire? La civilisation commence par le rite funéraire. Comment une société aussi avancée que la nôtre peut-elle l’interdire? C’est un devoir d’humanité», interpelle Bruno Retailleau.
Atteintes graves et persistantes
La défenseur des droits, Claire Hédon, a apporté son soutien à cette nouvelle «protection légale du droit de visite». Dans un avis sur le texte, elle relève en effet que la possibilité de recevoir des visites à l’hôpital «n’est pas affirmée explicitement» dans le droit français autrement que dans une circulaire de 2006. En mai dernier, son institution avait également alerté sur des atteintes graves et persistantes aux droits et libertés des résidents d’Ehpad, à commencer par «leur droit au maintien des liens familiaux».
« Tous ceux qui ont vécu ces restrictions font partie des victimes collatérales de la gestion de cette crise. » Laurent Frémont, juriste.
Ce texte apparaît également comme l’aboutissement de longs mois de combat du collectif Tenir ta main - créé par la comédienne Stéphanie Bataille et du juriste Laurent Frémont - qui milite pour un droit de veiller ses proches hospitalisés. «Tous ceux qui ont vécu ces restrictions font partie des victimes collatérales de la gestion de cette crise. Ces interdictions de visites disproportionnées et arbitraires ont laissé des traumatismes profonds, notamment chez ceux qui n’ont pas pu faire de derniers adieux à un proche,souligne Laurent Frémont. Aujourd’hui, les conditions de visites se sont assouplies mais nous devons faire en sorte qu’une nouvelle vague ne referme pas les portes des hôpitaux et des Ehpad».
Reste à savoir quel sera le parcours législatif de ce texte dans un calendrier parlementaire serré. La loi grand âge, qui aurait pu accueillir ces mesures, a été abandonnée. Les sénateurs du groupe LR veulent tout de même croire que son thème transpartisan permettra un vote à l’Assemblée nationale.