- Tenirtamain
Le Parisien : "Covid : à Paris, un premier lieu de recueillement pour les familles à Saint-Sulpice"
Dernière mise à jour : 6 juil. 2021
Le collectif «Tenir ta main» permet aux familles des victimes du Covid de se retrouver. Surtout pour celles qui n’ont pas pu accompagner dignement leur poche. Désormais, la chapelle Saint-Paul leur est ouverte.

Stéphanie Bataille et Laurent Frémont ont perdu un proche pendant la pandémie. ils ont créé l'association Tenir ta main. Ils sont accueillis par le père Henri de la Hougue à Saint Sulpice.
Pas loin de l’entrée de l’église Saint-Sulpice, c’est dans la petite chapelle Saint-Paul, que quelques personnes viennent, chaque jour, se recueillir pour un proche victime du Covid. « C’est sans doute le premier lieu qui permet ainsi aux familles de se retrouver. Il fallait créer cet espace où chacun peut accrocher au mur une photo d’un proche disparu, de s’arrêter simplement et de penser à leur défunt - pour les non catholiques - et de prier, pour les catholiques. C’est ouvert à tous », souligne le père Henri de la Hougue, curée de cette paroisse du VIe arrondissement depuis septembre dernier.
L’initiative est venue de la rencontre avec Laurent Frémont et de Stéphanie Bataille à la fin d’une messe. Tous deux ont perdu leur père à la suite de la pandémie. Et tous les deux doivent aujourd’hui supporter la même douleur de ne pas avoir été à ses côtés au dernier instant.
«Nous n’avons reçu que deux appels du médecin. Le premier pour nous dire que tout allait bien. Le second pour nous dire qu’il était mort»
Pour tenter de faire face, ils ont créé le collectif « Tenir ta main ». « Nous avons déjà rassemblé plus de 8000 témoignages de gens, qui, comme nous, n’ont pas pu faire un dernier adieu convenable à un membre de leur famille. Dans cette souffrance, nous voulions juste un peu d’humanité. Or, sans protocole national dans les établissements de santé, cliniques, hôpitaux ou Ehpad, les droits de visite sont laissés à la libre appréciation des directeurs. Et il y a des abus. »
Le père de Laurent avait 70 ans. Il était en pleine forme avant d’être atteint du Covid en novembre dernier. « Il a été transféré dans une clinique privée d’Aix-en-Provence. D’emblée, on nous a fait savoir que nous ne pourrions pas le visiter. Après sa rémission, après trois tests négatifs, alors qu’il était éveillé et absolument plus contagieux, nous n’avons toujours pas été autorisés à le voir. Nous n’avons reçu que deux appels du médecin. Le premier pour nous dire que tout allait bien. Le second pour nous dire qu’il était mort. » Puis tout est allé très vite : le corps a été placé dans un sac en plastique et envoyé à la morgue. « Nous n’avons pas pu l’accompagner et nous n’avons même pas pu faire un adieu au visage »…

Stéphanie bataille, comédienne et directrice déléguée du Théâtre-Antoine pourrait faire le même témoignage. Son père, le comédien et acteur Étienne Draber, est décédé le 11 janvier 2021. Et elle aussi n’a pu être à ses côtés.
« En créant ce collectif, nous voulons transformer notre colère en combat de société. Sensibiliser les pouvoirs publics aux dérives éthiques de certains établissements de santé. Et inscrire le droit de visite aux patients dans la loi », déclare Laurent Frémont, après avoir été reçu à l’Elysée et par des ministres. Il a été auditionné cette semaine au Sénat. Gérard Larcher a décidé de créer une commission pour faire avancer cette cause.
Créer un lieu de dévotion
Mais Stéphanie et Laurent ont aussi besoin de se reconstruire. « Il était indispensable qu’il y ait un endroit pour se recueillir. Pour rendre tout cela plus digne. Se rendre compte que derrière les chiffres des statistiques, il y a des visages », estime Laurent Frémont, 29 ans. Pour lui, c’était une évidence : « Comme la Madeline l'a été pour Johny Halliday, il faut que Saint-Sulpice devienne un lieu de dévotion pour ces dizaines de milliers de personnes parties anonymement ».
Avec le père de la Hougue, le choix de la chapelle Saint-Paul a été rapide. « C’est une chapelle un peu sombre et sans rien au mur. Nous y avons mis petit à petit des panneaux sur lesquels chacun peut déposer une photo », décrit le prêtre. Sur une table, un petit panier, des dizaines d’intentions de prières ont été déposées. Une feuille a aussi été rédigée par le curé pour aider les visiteurs et les familles. Et une invitation a été lancée : « Tous les derniers vendredis du mois, nous aurons un temps de prière et de recueillement, à 15 heures ». Le premier rendez-vous est déjà fixé au vendredi 28 mai.